L’Université McGill vise l’approvisionnement responsable depuis déjà dix ans. Stéphanie Leclerc, gestionnaire du programme d’approvisionnement responsable au sein de l’institution, constate avec fierté tous les acquis réalisés à ce chapitre dans la dernière décennie par son employeur. Mais pas question de fermer les livres pour autant…
L’équipe de 25 personnes signe près de 600 contrats par année. Les achats de biens et de services par le bureau des approvisionnements totalisent d’ailleurs la somme de 450 millions de dollars par année. De par la nature de leurs activités, les universités procèdent à des achats très variés : des ordinateurs, des décors d’opéra, des instruments de recherche à la fine pointe de la technologie ou des tracteurs, même. Le campus abrite des résidences, des cafétérias, des bibliothèques, des laboratoires et chacun de ces services nécessite des biens qui lui sont propres. « McGill est aussi propriétaire de 240 bâtiments, de grands terrains et une ferme », ajoute Stéphanie Leclerc.
L’Université McGill est assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP). Dans le milieu de l’éducation, certains des achats effectués le sont de façon décentralisée. « Il y a environ 5 000 personnes ici qui ont le pouvoir de dépenser dans leurs départements respectifs », explique-t-elle. Le défi, il est donc double : seule une partie des achats passe par le bureau des approvisionnements et l’offre provenant de l’économie sociale ne couvre pas tous les besoins de l’institution pour le moment.
Dans un autre ordre d’idées, l’Université McGill ne s’est pas dotée à proprement dit d’une politique d’approvisionnement responsable. Cette notion et le triple bilan qui l’accompagne (la recherche de retombées sociales, économiques et environnementales positives) font néanmoins partie intégrante de la Politique d’approvisionnement et de la Stratégie climat et de développement durable de l’institution, adoptées par les plus hautes instances de l’administration.
« Nos objectifs d’approvisionnement responsable sont établis lors de planifications stratégiques quinquennales. Des employé.e.s, des chercheur.e.s et des étudiant.e.s participent aussi à cet exercice. Comme mentionné précédemment, des milliers de personnes peuvent faire des choix quant aux achats universitaires. Il y a donc beaucoup de monde à rejoindre et à sensibiliser, d’où l’importance de les impliquer en amont. »
Un « A+ » en économie sociale
Madame Leclerc est une passionnée du sujet. Ses yeux s’illuminent lorsqu’elle s’exprime sur son rôle au sein de l’institution. « Le partage de la richesse, l’équité, la diversité et l’inclusion, la transition écologique et le respect des écosystèmes sont des valeurs partagées par l’ensemble de la communauté de McGill. Les étudiant.e.s, le corps professoral et l’administration veulent travailler main dans la main avec les entreprises d’économie sociale. La proximité des fournisseurs locaux permet de tisser des liens à long terme et de développer une relation basée sur la confiance. »
Pour sensibiliser tous les acheteurs et requérants potentiels de McGill à considérer les entreprises d’économie sociale lors d’un achat, elle offre une formation à raison de trois fois par année. « Dans le cadre de ces ateliers sur l’approvisionnement responsable, nous encourageons les participants à identifier et à contacter les différents acteurs de l’économie sociale avant de passer une commande. »
D’autres moyens permettent aussi à l’Université McGill de soutenir ce secteur. En contexte d’appels d’offres, le bureau des approvisionnements peut diviser les lots pour permettre à de plus petites entreprises d’économie sociale d’y participer. « Nous faisons également usage d’une marge préférentielle pour soutenir celles-ci et pour encourager nos propres fournisseurs à brasser des affaires avec elles », résume Stéphanie Leclerc.
L’université leur fait d’ailleurs déjà la part belle. « Une quinzaine d’entreprises d’économie sociale sont codifiées en conséquence dans notre base de données de fournisseurs. Nous aimerions augmenter le nombre de partenariats et la valeur des dépenses qui leur sont octroyées. »
Insertech, pour la récupération d’une partie du matériel informatique, et Axia Services, pour l’entretien ménager, sont deux exemples de partenariats très positifs pour McGill. « Nous apprécions le professionnalisme et la qualité des travaux de ces deux entreprises. Et c’est un plaisir de travailler avec eux ! », ajoute-t-elle.
Pour l’organisation, développer des partenariats avec les entreprises d’économie sociale fait partie des objectifs de diversification de ses fournisseurs. Malgré le contexte qui s’applique aux institutions d’enseignement — la nature requise des approvisionnements —, Stéphanie Leclerc constate des avancées sur le terrain. « L’offre de produits et de services provenant de l’économie sociale ne cesse de grandir et d’évoluer, ce qui est le gage de nouvelles possibilités à venir. »
Trois conseils pour réussir
L’experte s’avoue optimiste pour la suite des choses. « Je pense que l’économie, le bien-être des collectivités et l’état de la planète seraient en meilleure posture si une plus grande proportion de nos achats était effectuée auprès des entreprises d’économie sociale », confie-t-elle.
Alors, que doit faire le.la dirigeant.e d’une grande entreprise pour se familiariser avec l’économie sociale ?
- Réévaluer périodiquement l’offre de biens et services
« La première étape est de faire, sur papier, un exercice d’arrimage entre les besoins actuels de l’organisation et l’offre en provenance des entreprises d’économie sociale. Cet exercice en vaut la peine et doit être effectué à intervalles périodiques », recommande Stéphanie Leclerc.
- Découvrir de nouvelles possibilités de partenariat
Plusieurs outils en ligne permettent d’élargir nos horizons sur le sujet. Par exemple, la plateforme Akcel acheteurs est un répertoire en ligne québécois destiné aux responsables de l’approvisionnement qui désirent intégrer l’achat de produits et de services issus de l’économie sociale dans leurs pratiques.
Des activités de maillage avec le Conseil d’économie sociale de l’île de Montréal (CESIM) ou d’autres organismes similaires en région s’avèrent également fort utiles pour découvrir de nouvelles possibilités de collaboration.
- Débuter sur de bonnes bases
Pour partir du bon pied, et s’assurer d’un alignement avec les récentes modifications à la LCOP, il est utile de se référer au guide des indicateurs d’acquisition responsable, développé par le Bureau de coordination du développement durable du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC). Pour ceux qui débutent, il s’agit d’un outil pratique qui fournit une introduction aux différentes thématiques et aux objectifs à viser en contexte d’approvisionnement responsable.
Finalement, le.la dirigeant.e qui souhaite faire les choses différemment peut s’inspirer de McGill, certes, mais aussi des meilleures pratiques implantées par Desjardins, Hydro-Québec, Énergir et la Ville de Montréal. « Je crois qu’il faut mettre à profit notre chaîne d’approvisionnement pour apporter des changements positifs à la société. Le portefeuille des grands donneurs d’ordres est un levier important pour contribuer à la transition environnementale et au développement d’une économie plus juste », conclut Stéphanie Leclerc.
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