La coopérative d’habitation de l’ancienne terre Renaud figure sur la liste annuelle des dix sites montréalais en danger d’Héritage Montréal. Construite dans les années 1950 dans un Saint-Léonard encore rural, elle serait le seul témoin de son passé agricole.
Côtoyant les églises et maisons centenaires, le quartier résidentiel composé de bungalows de brique fait drôle de figure sur la liste d’Héritage Montréal. Michel Tremblay, membre du comité patrimoine et aménagement de l’organisme, précise ce qui lui donne sa valeur patrimoniale. « Le patrimoine architectural, ce n’est pas que des sites qui ont 100 ou 200 ans ; il faut penser à la protection du 20e siècle aussi », exprime-t-il au Progrès au bout du fil. Bien que l’âge des constructions amène la rareté, l’ancienneté de la composition architecturale n’est pas la seule caractéristique considérée. « On doit se demander si c’est un témoin important d’une époque. Et le comité pense que la coopérative de Saint-Léonard en est un. »
Le quartier, qui occupe aujourd’hui le secteur des rues Aimé-Renaud, des Artisans, Alphonse-Desjardins, Place des Fondateurs et leurs alentours, s’est créé vers 1955, à l’initiative de travailleurs qui se sont unis pour acheter la terre Renaud. Ils y ont construit plusieurs centaines de maisons modestes, ce qui a permis à 655 travailleurs d’avoir accès à la propriété.
Or, des modifications ont été apportées à bon nombre de ces maisons. D’autres ont été démolies pour être reconstruites dans un style différent. « C’est normal que des maisons d’un certain âge doivent être réparées, considère M. Tremblay. La question se pose alors : est-ce qu’on rénove ou on démolit ? »
Sur le blogue spacing.ca, Guillaume St-Jean, urbaniste aussi formé en conservation du patrimoine, affirme que 121 maisons sur 654 ont été démolies depuis 1989. Seules 19 des maisons reconstruites seraient des bungalows. Les 101 autres sont de style néo-manoir ou cottage. « On en perd l’unité visuelle du lieu et l’esprit d’une communauté », estime le bénévole d’Héritage Montréal. Il faudrait une reconnaissance de la Ville de la valeur patrimoniale de la coopérative. »
Encadrer la construction
Depuis 2005, l’arrondissement et la Ville reconnaissent la coopérative comme étant un Ensemble urbain d’intérêt pour son caractère représentatif du développement résidentiel d’après-guerre.
L’arrondissement autorise annuellement un certain nombre de démolitions dans le secteur « pour en permettre la revitalisation grâce à la construction d’espaces d’habitation répondant davantage aux besoins et réalités d’aujourd’hui. Considérant la densité démographique de l’arrondissement et la quantité négligeable de terrains vacants sur son territoire, le développement résidentiel de Saint-Léonard doit nécessairement impliquer la transformation de bâtiments existants », expliquent les responsables.
Le souhait d’Héritage Montréal serait un Plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA). Les PIIA encadrent les nouvelles constructions et les modifications aux maisons de normes précises à respecter, telles le gabarit de l’édifice, sa forme ou son revêtement, afin de conserver l’unité esthétique du quartier.
L’arrondissement répond qu’il procède plutôt à l’application de normes prévues au Règlement de zonage (1886). « Depuis 15 ans, ce règlement établit l’application de normes qui encadrent toute action de construction, de rénovation ou de transformation prévue dans la Coopérative de Saint-Léonard, dans le but de préserver certaines caractéristiques architecturales de ce secteur. » Par exemple, le règlement 1886 établit la hauteur des édifices et leur implantation (superficie) sur le terrain.
Cependant, M. Tremblay croit que ce n’est pas assez contraignant. « Il existe des règlements de zonage dans toutes les municipalités. Un PIIA amène plus de normes sur l’esthétique, le style. » Il cite en exemple le PIIA de la Cité-jardin du tricentenaire, à Rosemont, qui exige, entre autres, le stucco comme matériau dominant.
« Le problème du patrimoine du 20e siècle, c’est qu’on est tellement toujours dedans qu’on ne le voit plus, expose M. Tremblay. Et quand il s’érode, on se dit qu’on aurait dû faire quelque chose. »
Source : Progrès St-Léonard