Article rédigé par le CESIM et publié dans le cahier spécial du journal Le Devoir, le 2 et 3 novembre 2024. Retrouvez le cahier spécial ici.
Dans le contexte actuel de transition démographique, socio-écologique et technologique, l’économie sociale s’affirme comme un modèle de développement d’avenir.
« L’économie sociale est bien plus qu’une alternative : c’est un modèle qui concilie rentabilité économique, retombées sociales pour la communauté et un développement qui est durable », affirme Anyle Côté, directrice générale du Conseil d’économie sociale de l’île de Montréal (CESIM). « C’est une façon d’entreprendre autrement qui se caractérise par un modèle collectif où les entreprises — coopératives, mutuelles ou OBNL — appartiennent à leurs membres ou à leur communauté, avec une gouvernance démocratique où chaque membre dispose d’une voix. » ajoute-t-elle.
Un impact économique majeur
À Montréal, ce modèle démontre sa vitalité économique avec 2 800 entreprises collectives générant 11,7 milliards de dollars de revenus annuels. Plus significatif encore, 85% de ces entreprises franchissent le cap des dix ans d’existence, témoignant d’une résilience remarquable face aux aléas économiques.
L’intégration croissante de l’économie sociale dans les stratégies d’approvisionnement de grands donneurs d’ordres comme Hydro-Québec ou la Ville de Montréal témoigne d’une reconnaissance grandissante de la pertinence de ces modèles collectifs et de leur maturité. Ces partenariats transforment les pratiques économiques en créant davantage d’impact dans la communauté.
Les Conversations montréalaises sur l’économie sociale, tenues aux quatre points cardinaux de l’île avant de culminer avec la Grande conversation, ont révélé le dynamisme du mouvement et sa capacité à mobiliser une diversité d’acteurs autour d’enjeux communs.
Des retombées structurantes dans la communauté
Les Conversations montréalaises sur l’économie sociale, organisées par le CESIM au printemps 2024, qui ont mobilisé près de 350 personnes, révèlent les mutations profondes qui traversent ce mouvement. « L’engouement pour une telle démarche démontre la vitalité du mouvement de l’économie sociale et de nos territoires à répondre à des enjeux qui nous concernent pour faire de Montréal une ville inclusive et solidaire. » explique Anyle Coté.
En dix ans, le mouvement de l’économie sociale s’est profondément transformé, à l’image des enjeux qui animent la ville. L’analyse révèle une tendance : les projets sont aujourd’hui plus souvent orientés vers l’accélération de la transition socioécologique. Les entreprises développent des solutions concrètes en économie circulaire, privilégiant le réemploi et la mutualisation des ressources, tout en intégrant l’urgence climatique dans leurs pratiques. Parallèlement, elles répondent aux défis émergents comme le vieillissement démographique et les enjeux de santé mentale particulièrement prégnants depuis la pandémie.
Ces conversations ont mis en lumière des projets qui répondent directement aux besoins des communautés pour favoriser l’accessibilité et réduire les inégalités : accès à l’alimentation, au logement et aux espaces collectifs abordables, à la culture, aux infrastructures sportives et aux espaces verts. Cette diversité d’initiatives témoigne de la volonté de créer des milieux de vie inclusifs qui répondent aux besoins réels des communautés.
Sur l’ensemble de l’île, le mouvement e s’adapte aux réalités locales tout en participant à des transformations systémiques plus larges. L’économie sociale montréalaise développe des réponses aux paradoxes de notre époque : alors que l’hyperconnectivité technologique accroît l’isolement social, ces entreprises recréent des espaces de rencontre et de collaboration. Face à la financiarisation de l’immobilier, elles innovent avec des modèles de propriété collective qui préservent l’abordabilité des quartiers.
La préoccupation écologique croissante du mouvement se traduit par des innovations dans les modèles d’affaires et les collaborations. La ferme urbaine née de la collaboration entre la SAQ et l’entreprise d’économie sociale Cuisine collective d’Hochelaga-Maisonneuve, transforme des espaces sous-utilisés en projets d’agriculture urbaine inclusifs, tandis qu’Insertech combine insertion professionnelle et lutte contre l’obsolescence programmée en réparant et reconditionnant des ordinateurs.
« Le changement d’échelle nécessaire pour répondre aux enjeux actuels exige de repenser nos modèles de collaboration et de financement », analyse Anyle Coté. Dans ce contexte, le CESIM joue un rôle crucial d’accompagnement et de mise en relation des acteurs de l’écosystème. L’organisme développe des outils pour faciliter les maillages entre entreprises d’économie sociale et donneurs d’ordres, tout en documentant les pratiques innovantes qui émergent du terrain.
Un modèle qui attire les jeunes
Cette effervescence attire une génération de jeunes entrepreneurs, pour qui la propriété et la gouvernance collectives du modèle de l’économie sociale apparaissent comme une voie inspirante. Ils cherchent à s’investir dans des projets qui ont du sens, en répondant concrètement aux enjeux de leur génération — crise climatique, inclusion sociale, économie circulaire — tout en ayant un impact mesurable sur leur communauté.
Au-delà des succès individuels, c’est la force de l’approche collective qui fait de l’économie sociale un véritable moteur de transformation. « En plaçant l’humain au cœur de l’économie, ce modèle démontre qu’une autre vision du développement est possible », conclut Anyle Coté.